Dépassements d’honoraires : confusion autour de l’accord

L’assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux ont fini par signer, le 23 octobre 2012 au soir, un « relevé de conclusions » sur l’encadrement des dépassements d’honoraires, en l’absence des organismes complémentaires qui n’ont pas été conviés à la reprise des négociations. Le projet d’accord conventionnel doit faire l’objet d’un examen par l’ensemble des parties prenantes.

« Un accord au forceps », titre Libé­ration (page 15). « Un accord au  forceps, sans les mutuelles », précisent Les Echos (page 2). L’assurance  maladie et les cinq syndicats de médecins libéraux ont finalement signé,  hier soir, un « relevé de conclusions » sur l’encadrement des  dépassements d’honoraires. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a  salué, au 20 heures de TF1, « un tournant majeur pour la prise en charge  de la santé des Français ». Dans Libération, Eric Favereau y voit plutôt  un « jeux de dupes » sur fond de « grosse offensive mi­nistérielle pour  sortir de l’impasse les négociations ».

« Reste un gros point noir,  soulignent Les Echos, les organismes complémentaires, re­grou­pés au  sein de l’Unocam, n’ont pas signé à ce stade, ce qui fragilise  l’accord. » Et pour cause : après l’échec des négociations à la  mi-journée, la ministre de la Santé « rappelle les négociateurs pour  qu’ils reprennent les discussions ! Tous reviennent sauf l’Unocam, qui  assure ne pas avoir reçu cette convocation in extremis de l’exécutif »,  relate le quotidien économique. Le président de l’Unocam a confirmé à  l’Afim n’avoir pas été convié à cette reprise des négociations.

« Pour  obtenir la signature des syndicats de spécialistes, les pouvoirs  publics ont dû lâcher du lest en ce qui concerne les sanctions prévues  contre les pratiques tarifaires ”excessives” », commente Vincent Collen,  des Echos (page 2). Au cours de la journée d’hier, les discussions ont  longtemps achoppé sur le seuil fixé par l’assurance maladie pour définir  un dépassement excessif (150% du tarif de la Sécurité sociale, soit 70  euros pour une consultation de spécialiste remboursée sur la base de 28  euros par la Sécu). La plupart des syndicats de médecins y étaient  fortement opposés. Dans le préambule du texte final, ce seuil de 150% du  tarif de la Sécurité socialen’est plus qu’un « repère », à la disposition  des instances qui prononceront des sanctions à l’encontre des médecins  en cas d’abus.

Il ne sera pas « le seul critère d’appréciation  d’une pratique tarifaire excessive ». Parmi les autres éléments de  définition figurent le lieu d’exercice et la spécialité. « Bref, il y  aura autant de définitions de l’abus qu’il existe de médecins pratiquant  les dépassements », ironise Guillaume Guichard, du Figaro-économie (page  19). « Concrè­tement en province, les Français ne devront pas payer plus  de 70 euros, sinon le médecin pourra faire l’objet d’avertissement ou  de sanction », a expliqué la ministre de la Santé, hier soir sur TF1.  Pour elle, cet accord serait de nature à porter un coup d’arrêt à  « trente ans de dérive ».

Le texte prévoit également la mise en  place, l’été prochain, d’un « contrat d’accès aux soins », destiné à  limiter les dépassements tarifaires, indiquent Les Echos (page 2). Les  médecins qui signeraient ce contrat s’engageraient à limiter leurs  dépassements et à pratiquer le tarif de la Sécurité so­ciale aux  patients modestes (bénéficiaires de la CMU ou éligibles à l’aide à  l’acquisition d’une complémentaire santé). En contrepartie, l’assurance  maladie prendrait à sa charge leurs cotisations sociales. Leurs  honoraires seraient mieux remboursés, ce qui permettrait de réduire le  reste à charge des patients.

Certains syndicats de médecins  voulaient que les mutuelles améliorent le remboursement des  « dépassements tarifaires maîtrisés » dans le cadre du contrat d’accès aux  soins, rapportent Les Echos. « Ce qu’elles ont refusé, proposant au  contraire de financer à hauteur de 150 millions d’euros sur trois ans,  certains actes ou forfaits au tarif remboursable », note le quotidien  économique.

Alors que la Fédération des médecins de France (FMF)  estime ce matin sur France Info s’être « fait rouler dans la farine » avec  un « texte difficilement lisible », le président de la Mutualité  Française confirme lui aussi que « la plus grande confusion règne autour  de cet accord ». Etienne Caniard assure toutefois que les mutuelles  « soutiendront l’accord si, et seulement si, celui-ci contient un réel  progrès pour l’accès aux soins ». La Mutualité, indique-t-il au micro de  France Info, « sera extrêmement vigilante sur ce point ». C’est pourquoi  elle a réclamé la mise en place d’un observatoire des dépassements,  ainsi que la mise en œuvre effective des sanctions des dépassements  abusifs. Comme les syndicats de médecins, les négociateurs de la  Mutualité doivent à présent consulter leurs instances pour dégager une  position claire sur ce projet d’accord.

La pilule remboursée à 100% pour les 15-18 ans
Dans le cadre  du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour  2013, la ministre de la Santé va présenter un amendement assurant le  remboursement intégral de la pilule contraceptive pour les jeunes filles  de 15 à 18 ans, tout en préservant leur anonymat, rapporte Libération  (page 15). Mais, comme l’a précisé la ministre des Droits des femmes,  Najat Vallaud-Belkacem, cette mesure ne concernera que les pilules qui  font actuellement « l’objet d’un remboursement », excluant donc les  pilules de troisième génération.

« Il faudrait le remboursement de toutes les méthodes [contraceptives]  pour toutes les femmes », estime Julie Muret, de l’association Osez le  féminisme, dans Le Figaro (page 11). « Il faudra aussi que la mesure  s’accompagne d’un accès gratuit et anonyme à la consultation médicale »,  ajoute-t-elle. « Ce sont d’excellentes mesures, mais dans une logique de  santé publique, la mesure devrait s’étendre jusqu’à 25 ans, estime de  son côté Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’Inserm. Car pour  toutes les femmes, quel que soit leur âge, le fait d’être dans une  situation financière difficile est associé à une moindre pratique  contraceptive. »

John Sutton (FNMF)