Publié en février 2023, l'Observatoire de la Mutualité Française dresse un état des lieux préoccupant de la santé au travail en France.
Stress, fatigue, douleurs physiques, accidents et maladies professionnels, l’Observatoire publié par la Mutualité Française dresse un état des lieux particulièrement préoccupant de l’état de santé au travail en France.
Taux record d’accidents du travail et forte progression des maladies professionnelles
On a peine à le croire. La France se classe parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne en matière de santé au travail. En effet, avec en moyenne deux décès par jour, elle comptabilise deux fois plus d’accidents mortels que la moyenne européenne (3,5 accidents pour 100 000 actifs contre 1,7). Elle détient même le record européen du taux d’accidents non mortels (3 425 pour 100 000 actifs contre 1 603 en moyenne en Europe). Concernant les maladies professionnelles, il est difficile de faire des comparaisons. En effet, la notion même de maladie professionnelle, les modalités de détection et de prise en compte ne sont pas forcément identiques d’un pays à l’autre. Mais une chose est certaine, on assiste à une explosion du nombre de déclarations en France, avec une hausse encore plus forte pour les femmes. Ainsi, en 2019 dans le secteur privé, on compte deux fois plus de maladies professionnelles enregistrées au sein du régime général qu’en 2001. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont très largement majoritaires : ils sont en cause dans 88 % des cas. Les maladies psychiques progressent également fortement.
Des actifs pas tous logés à la même enseigne
Clairement, face au risque d’accident ou de maladie professionnelle, la situation n’est pas la même pour tous. Un cadre a une espérance de vie de plus de 6 ans supérieure à celle d’un ouvrier. Chez les ouvriers, la fréquence des accidents mortels est 5 fois plus élevée que chez les cadres. De même, les accidents touchent davantage les hommes que les femmes. Cela tient aux secteurs d’activité et métiers exercés. De fait, les travailleurs du BTP sont les plus frappés par les accidents de travail : un peu plus de 53 accidents nécessitant un arrêt pour 1 000 salariés contre moins de 40, tous secteurs confondus. Viennent ensuite les agents œuvrant dans le secteur du commerce, des transports ainsi que de l’hébergement et de la restauration. La fréquence des arrêts de travail diffère également en fonction du secteur d’activité. Avec près de 20 jours en moyenne par an, les personnels des établissements de santé et du médico-social sont les plus souvent en arrêt maladie. A noter également, plus on avance en âge et moins on est concerné par les accidents au travail. Par contre, les seniors sont proportionnellement plus nombreux à être en arrêts maladies, avec des durées beaucoup plus longues.
Un manque de moyens et une couverture en prévoyance insuffisante
Alors même que la santé au travail est un véritable enjeu de santé publique, la France manque cruellement de médecins du travail. En 2022, on ne comptait qu’un peu plus de 4 800 médecins du travail, soit environ 7 pour 100 000 habitants. L’offre est même inférieure à la moyenne nationale dans 72 départements. Evidemment, cela entraine une baisse de la fréquence des suivis médicaux. Ainsi, en 2005, 70 % des salariés du privé déclaraient avoir bénéficié d’une visite médicale depuis moins d’un an. En 2019, ils ne sont plus que 39 %. Et cela ne risque pas de s’arranger. En effet, plus de 56 % des médecins du travail ont plus de 65 ans. De même, la France comptabilisait un peu plus de 400 services de santé au travail interentreprises (SSTI) en 1995. Devenus des services de prévention et de santé au travail (SPST), il en restait 235 inégalement répartis sur le territoire en 2019.
La Mutualité Française alerte aussi sur le coût de l’imprévoyance pour la collectivité, c’est à dire, l’absence d’assurance protégeant les personnes et leurs proches des risques lourds. Le coût de ce défaut d’assurance est estimé à 15 milliards d’euros dont 8,4 milliards concernent des actifs (incapacité, invalidité, décès). Par ailleurs, le taux de couverture est très inégalitaire. Ainsi, les salariés des grandes entreprises sont mieux couverts que les fonctionnaires et les indépendants. De même, les cadres sont mieux protégés que les non-cadres.
Améliorer la santé au travail est un chantier majeur pour lutter contre les inégalités d’espérance de vie et maintenir dans l’emploi des travailleurs âgés. Egalement pour soutenir les travailleurs qui, au quotidien, apportent leur aide à un proche. En complément de son Observatoire, la Mutualité Française formule 10 propositions autour de trois axes :
Développer une culture de la santé au travail en favorisant la prévention avec la mise en place d’outils, d’actions collectives ou la création de formation
Faciliter de l’accès à la médecine du travail en améliorant l’attractivité et les conditions d’exercice des professionnels en santé du travail
Augmenter l’accessibilité pour tous à une meilleure protection, en développant la prévoyance pour couvrir les plus gros risques (incapacité, invalidité, décès, dépendance).