« Santé & travail » : les agriculteurs cumulent les facteurs de risque

Le dernier magazine « Santé & travail » titre en « une » « Le risque est dans le pré ». Victimes de conditions de travail dégradées, les agriculteurs sont frappés par un fort taux de suicide. Ils subissent également une exposition à divers facteurs de risque, comme les pesticides responsables de cancers et de pathologies neurologiques.

« L’agriculture sert aujourd’hui de “laboratoire” pour les formes les plus dégradées d’emploi et le contournement des droits sociaux » : ce sombre constat est tiré du magazine Santé & travail dont le numéro de novembre s’intitule Le risque est dans le pré. De nos jours, les agriculteurs sont confrontés à des « contraintes organisationnelles fortes » qui, conjuguées à une « mise à mal de leur conception du travail bien fait, forment un terreau propice aux risques psychosociaux », déplore Santé & travail.

Des normes de plus en plus contraignantes, des temps de travail élevés, une flexibilité saisonnière, une plus grande précarité : autant d’évolutions qui « viennent aggraver des conditions de travail caractérisées par un cumul d’expositions à divers risques et facteurs de pénibilité », indique le magazine. L’augmentation progressive du nombre de tâches à accomplir, qu’elles soient administratives, techniques ou productives, ont « contribué à accroître la charge mentale d’une activité déjà pénible physiquement ». L’agriculteur est en état de « stress permanent ».

Dans la plupart des cas, les exploitants agricoles sont confrontés à leurs difficultés de façon « isolée » et avec « un faible soutien social ». En conséquence, ils sont victimes d’un taux de suicide « trois fois plus élevé que les cadres ». Une étude publiée le 10 octobre par l’Institut de veille sanitaire (InVS) vient corroborer cet état des lieux. L’InVS a ainsi dénombré 417 suicides chez les hommes agriculteurs entre 2007 et 2009. Pour les femmes, ce nombre est de 68 sur la même période.

Des plans de prévention
Ce fléau ne représente pourtant que la troisième cause de mortalité de cette population… La première d’entre elles est due aux cancers dont certains sont surreprésentés. C’est notamment le cas des cancers hématologiques (leucémie, lymphome…), de la prostate, du cerveau ou encore de la peau.

L’exposition aux pesticides constitue une « piste privilégiée pour expliquer ces excès » de cancers. « Depuis la seconde guerre mondiale, l’essor de l’industrie chimique a conduit à l’apparition de très nombreux pesticides de synthèse – plus de 1.000 homologués – et à un accroissement important des quantités utilisées », précise Santé & travail.

Ces produits pourraient être également à l’origine de pathologies neurologiques, telles que la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer. Certaines études ont aussi mis en évidence des effets sur les systèmes endocriniens, immunitaires et respiratoires. Enfin, des tumeurs in utero ont atteint des enfants dont la mère avait été exposée aux pesticides durant son activité professionnelle. A ces risques s’ajoute la progression de maladies professionnelles, comme les troubles musculo-squelettiques (TMS).

« Nous sommes confrontés à une mosaïque de populations exposées à une multitude de risques », explique à Santé & travail le Dr Yves Cosset, médecin chef de l’échelon national de santé-sécurité au travail à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA). Pour faire face à cette multiplicité des risques, la MSA a mis en place des plans santé-sécurité au travail contre les TMS, les risques psychosociaux et chimiques, ainsi qu’un plan de prévention du suicide.

Sur le terrain, des agriculteurs prennent eux-mêmes les devants pour améliorer leurs conditions de travail. En mutualisant les ressources de plusieurs exploitations, ils réussissent à « mettre en exergue les qualités et atouts de chaque structure, pour en gommer les points faibles », poursuit le magazine. Cette organisation collective contribue à alléger l’emploi du temps, augmenter le nombre de week-ends de repos et de jours de congés annuels. Autre solution pour éviter un « enfermement » dans le travail : opter pour une exploitation à « taille humaine ».

Paula Ferreira (FNMF)

Pour en savoir plus : magazine Santé et travail