La santé mentale des jeunes au cœur du débat

Lors de la soirée du 7 octobre 2025, la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine organisait une table ronde intitulée « La santé mentale des jeunes : on fait quoi maintenant ?» à la Grande Poste de Bordeaux. Retrouvez les témoignages de nos invités.

En octobre dernier, la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine conviait des experts d’horizons différents à échanger sur la mentale des jeunes. Plus d’une centaine de personnes étaient présentes.


94% des jeunes se disent inquiets pour au moins un enjeu majeur :
leur avenir personnel (68%), l’actualité internationale (83%) ou la crise environnementale (77%).


Une photo inédite…

La santé mentale, notamment celle des jeunes, s’est enfin imposée comme une Grande Cause Nationale en 2025. Pour mieux comprendre les réalités de cette génération, la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram se sont associés pour une enquête inédite par son ampleur et sa profondeur : « Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer ». « Notre objectif était de disposer d’une photographie complète de l’état de santé mentale de la jeunesse en intégrant les dimensions sociales, culturelles, économiques et environnementales, explique Victor Delage, fondateur et directeur de l’Institut Terram. Egalement d’explorer les freins à l’accès aux soins, à la prévention et aussi les attentes exprimées par les jeunes. Pour cela, nous avons rencontré plus de 5 600 jeunes âgés de 15 à 29 ans représentatifs de la population française, dans l’hexagone et  dans les Outre-Mer ».

… et alarmante de la jeunesse française

Les résultats sont sans appel. Si 64% des jeunes se disent en bonne santé mentale, l’utilisation de l’échelle clinique PHQ-9 révèle que 25% d’entre eux souffriraient de dépression. « On voit bien que la souffrance mentale est largement sous-estimée par les jeunes eux-mêmes » note Victor Delage. Le mal être est profond et durable. Les causes sont multiples : précarité, isolement, stress scolaire ou professionnel, hyperconnexion, éco-anxiété… Les déterminants sont également nombreux. Les femmes, les ultramarins, les plus fragiles sur le plan économique, ceux qui vivent dans les grandes villes ou dans un foyer instable…, sont plus durement touchés. « Dans les grandes métropoles, on a le sentiment d’avoir accès à tout mais on se sent souvent dépassé, effacé par la foule » explique Victor Delage. Nicolas Lacoste, psychiatre au centre de santé mentale de la Mgen à Bordeaux, constate une évolution alarmante. Les jeunes évoquent les symptômes que décrivent, en général plus tardivement, les salariés en difficulté au travail. « Les jeunes se décrivent de manière presque machinique. Ils expliquent leurs difficultés à remplir leurs fonctions. Leur métaphore, c’est la barre d’énergie. Ils se sentent en précarité de ce côté là».

Le maître mot : la déstigmatisation

La jeunesse va mal. Mais heureusement, la parole se libère petit à petit. Victor Delage confirme : « 7 jeunes sur 10 déclarent avoir déjà évoqué leur santé mentale avec quelqu’un ». D’abord avec les amis, puis avec la famille. Seuls 38% des jeunes interrogés déclarent avoir échangé avec un professionnel de santé.
« Aujourd’hui, il faut changer la représentation de la souffrance psychique,
déclare Muriel Vidalenc, présidente de l’association Premiers Secours en Santé Mentale France (PSSM France). En effet, la souffrance psychique est souvent aggravée par l’isolement ». C’est pourquoi l’association forme des citoyens, leur donne les connaissances, les compétences et la confiance nécessaires pour soutenir une personne confrontée à un problème de santé mentale. « La formation est un outil de déstigmatisation » explique Muriel Vidalenc.
Déstigmatiser, c’est également l’un des objectifs de l’association Facettes et de son festival annuel. « Pour parler du quotidien des jeunes en souffrance, nous proposons des productions artistiques avec des artistes concernés ou sensibles à ce sujet, raconte Maxime Ung, administrateur bordelais. Cela permet de voir que l’on peut vivre, travailler, créer, tout en ayant des troubles psychiques. Et de confirmer : La déstigmatisation est en bonne voie ».

Du côté de la prévention…

En Nouvelle-Aquitaine, les moyens financiers alloués à la santé mentale sont en constante augmentation depuis 4 ans. Pour Benoit Elboode, directeur général de l’Agence Régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine (ARS), il faut prioriser l’allocation de ces moyens. « Il faut agir le plus tôt possible, avec des programmes qui ont démontré scientifiquement leur efficacité, là où les inégalités sociales de santé (ISS) sont les plus fortes. C’est pourquoi l’ARS cible les jeunes et finance des programmes de développement des compétences psychosociales (CPS) dans les Réseaux d’Education Prioritaires (REP et REP +). Notre objectif est que 50% des élèves de ces territoires  puissent bénéficier de tels programmes ».
De son côté, en plus de sa formation standard, PSSM France a développé un nouveau module. Il s’adresse aux adultes qui vivent ou travaillent auprès de jeunes. Elle expérimente également un programme pour former les jeunes dans les établissements scolaires à soutenir leurs pairs.
Ces mesures font en partie écho au plan d’action de la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine. «Grâce au soutien de l’ARS, nous intervenons dans les écoles pour aider les élèves à développer leurs compétences psychosociales avec le programme Le Voyage des ToiMoiNous. Nous avons également formé plus de 400 secouristes en santé mentale depuis 2023 » rappelle Bertrand Dupouy, son président.

… et des soins

Pour Benoit Ellboode, le manque de psychiatres est un vrai problème. C’est pourquoi, ils doivent prioritairement recevoir les jeunes qui présentent une réelle pathologie, pas un simple mal-être. « Pour un jeune qui ne se sent pas bien, la première étape, c’est le psychologue, rappelle-t-il. C’est pour cela que l’Etat a financé le dispositif Mon soutien Psy. Il faut une gradation de la prise en charge : le bon professionnel, au bon endroit, au bon moment, pour ceux qui en ont le plus besoin ». Nicolas Lacoste confirme. Mais il rappelle aussi l’importance du premier contact, de la nécessité d’accueillir et d’écouter. « La jeunesse est une période charnière où les pathologies vont se mettre en place. En tant que professionnel de santé, on a une très grosse responsabilité. Il ne faut pas que les gens repartent en se disant qu’on ne veut pas les entendre ». Pour pallier au manque de psychiatres, Benoit Elboode évoque une piste : le développement des infirmières en pratique avancée disposant d’une mention psychiatrie et santé mentale.

Tous les intervenants s’accordent à le dire : la santé mentale est l’affaire de tous, à l’école, au travail, en famille. Et Bertrand Dupouy de conclure : « Si chacun agit à son niveau, on peut changer les choses ».

Quelques chiffres

L’étude réalisée par la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram révèle que 25% des jeunes souffrent de dépression selon le questionnaire standardisé PHQ-9.

Les plus durement touchés par la dépression
Les ultramarins (39%)
Les femmes (27% contre 22% pour les hommes)
Les jeunes en situation de grande précarité (43% contre 16% pour ceux sans difficultés économiques)
Ceux ayant grandi dans un foyer instable (35%)
Les citadins (27% contre 20% pour ceux qui vivent à la campagne).
Les jeunes qui passent plus de 8 heures par jour sur les réseaux sociaux (44%)

Sensibilisation à la santé mentale et accès aux soins
76% des jeunes disent avoir été sensibilisés au sujet (31% par les réseaux sociaux, 20% par leur établissement scolaire ou universitaire, 19% par un professionnel de santé et 11% par des associations spécialisées).
Seuls 38% des jeunes ont parlé de leur santé mentale à un professionnel de santé
19% de ceux qui ressentent le besoin de consulter ne l’ont pas fait (dont 24% par peur du jugement ou de la stigmatisation).

Les attentes exprimées par les jeunes
36% souhaitent être mieux informés sur les modalités d’accès aux soins et sur leur coût
34% demandent de rendre les soins plus accessibles financièrement
16% veulent renforcer le bien-être par les activités culturelles, sportives ou la relaxation
15% placent la lutte contre leur harcèlement parmi leurs priorités