PLFSS 2014 : « Une année perdue pour la Sécu ! »

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 sera examiné le 6 novembre par la commission des Affaires sociales du Sénat. Pour le président de la Mutualité Française, ce texte ne constitue pas une réponse suffisante aux enjeux auxquels doit répondre notre système de protection sociale. En outre, certaines dispositions ne vont « pas dans le bon sens ».

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« Une année perdue pour la Sécurité sociale ! » C’est le sentiment du président de la Mutualité Française, alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 doit être examiné le 6 novembre par la commission des Affaires sociales du Sénat.

Pour Etienne Caniard, ce budget « n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels est confronté notre système de protection sociale : lutter contre le renoncement aux soins, réorganiser l’offre, qui privilégie trop l’hôpital, et s’attaquer aux déficits et à l’endettement de la Sécurité sociale ».

Sur ce dernier point, fait-il valoir, on est loin du compte : « L’Assemblée nationale vient de voter un objectif national de dépenses d’assurance maladie [Ondam] de l’ordre de 180 milliards d’euros. Or, l’ensemble de la dette sociale s’élève à 200 milliards d’euros ! »

« Sans stratégie globale de santé, notre Sécurité sociale risque d’évoluer vers de l’assistance », prévient Etienne Caniard, qui estime en outre qu’ »un certain nombre de mesures figurant dans ce projet de loi ne vont pas dans le bon sens ! ».

Nouveaux critères de régulation
Ainsi, la solution retenue pour la mise en œuvre de l’avenant n° 8 à la convention médicale, qui prévoit en particulier la participation des organismes complémentaires au développement de nouveaux modes de rémunération des médecins, « montre bien que l’on prête davantage de considération aux complémentaires santé quand il est question de financer le système que lorsqu’il s’agit de leur confier un rôle effectif dans la régulation de l’offre de soins ou la vie conventionnelle ».

Globalement, estime le président de la Mutualité Française, le PLFSS se contente de « renvoyer les décisions à plus tard ». C’est le cas des dispositions visant à définir le contenu des contrats responsables. « Ce nouveau retard sert de prétexte à l’absence de diminution du taux de la taxe spéciale sur ces contrats », juge-t-il. La Mutualité Française avait demandé à maintes reprises la baisse de cette taxe, faisant valoir que « la régulation du marché des complémentaires santé exige un écart significatif de la fiscalité applicable aux contrats responsables et non responsables ».

« Cette régulation, souligne Etienne Caniard, devra intégrer de nouveaux critères, comme la limitation des remboursements des dépassements d’honoraires. Celle-ci peut s’avérer la meilleure des choses si le plafond retenu est suffisamment bas, la pire s’il conduit à une légitimation des dépassements d’honoraires du fait d’un plafond trop important. »

Risque d’inflation sur les actes
Enfin, dans le cadre de la généralisation de la couverture complémentaire santé à tous les salariés, le PLFSS prévoit des procédures de recommandation valables sur l’ensemble du territoire. Le niveau de prise en charge des actes médicaux sera ainsi le même partout. Pour Etienne Caniard, « une telle procédure ne permet pas d’adapter le niveau de couverture à la diversité des tarifs régionaux, ce qui risque de favoriser une hausse des prix dans certains territoires ».

Le PLFSS sera débattu en séance publique au Sénat à compter du 12 novembre. Il a été adopté par l’Assemblée nationale, le 29 octobre, par 320 voix pour (PS ; groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ; écologistes), 243 voix contre (UMP, UDI, GDR) et 5 abstentions. Rappelons que, quand il s’agit du PLFSS, les députés examinent en séance publique la version du texte adopté en Conseil des ministres, et non celle issue de l’examen par la commission des Affaires sociales.

Anne Baudeneau et Sabine Dreyfus (FNMF)

Principales dispositions intéressant les mutuelles et leurs adhérents contenues dans la version adoptée par les députés

Complémentaire santé des salariés
Instauration d’une procédure de recommandation. Un amendement du gouvernement visant à « limiter la possibilité pour les partenaires sociaux de recommander un ou plusieurs organismes d’assurance aux seuls accords instituant des garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité » a été adopté. Ainsi, les entreprises de la branche professionnelle dans laquelle une recommandation aura été formulée devront se voir proposer un tarif unique de cotisation, ainsi que des garanties identiques. Elles conserveront la possibilité de choisir un autre organisme assureur, mais se verront alors appliquer un taux majoré de forfait social sur les contributions qu’elles lui verseront. Le taux de ce forfait sera alors de 20% au lieu de 8% pour les entreprises de plus de dix salariés, et de 8% au lieu de zéro pour celles de moins de dix salariés.

Cette disposition vise à tirer les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat qui ont jugé inconstitutionnelles les procédures de désignation jusqu’alors en vigueur, « au motif qu’elles portaient à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques », rappelle-t-on.

Contrats responsables et non responsables
Augmentation de 9 à 14% du taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA) pour les contrats non responsables à compter du 1er janvier. Objectif de cet amendement de Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne), rapporteur sur les recettes et l’équilibre général de la commission des Affaires sociales : « Rétablir une véritable incitation financière en faveur des contrats solidaires et responsables », selon l’exposé des motifs. Le taux actuel de taxation pour ces derniers est de 7%, rappelle-t-on.

Définition des règles relatives aux contrats solidaires et responsables. Un amendement de Christian Paul (PS, Nièvre), rapporteur de la commission des Affaires sociales pour l’assurance maladie, prévoit un plafond de prise en charge des dépassements d’honoraires des médecins dans ces contrats. Ce plafond sera précisé par décret en Conseil d’Etat. Cet amendement précise aussi que les frais d’optique devront « impérativement » faire l’objet d’un niveau minimal de prise en charge et d’un plafond tarifaire. Certains soins dentaires et dispositifs médicaux pourront faire l’objet par décret d’un encadrement similaire.

Nouveaux modes de rémunération des médecins
Participation des organismes complémentaires au développement de nouveaux modes de rémunération des médecins à hauteur de 75 millions d’euros en 2013, puis 150 millions en 2014 et 2015. Ces montants financeront un forfait annuel destiné aux médecins traitants. Calculé par adhérent et par ayant droit ayant consulté au moins une fois dans l’année son médecin traitant, ce forfait sera versé via le fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU) à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), qui rétribuera les praticiens concernés (article 4 du texte).

Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS)
Lancement d’un appel d’offres national pour sélectionner les contrats proposés aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS). Un décret en Conseil d’Etat en définira les conditions. Des garanties mutualistes pour ces publics avaient d’ores et déjà été élaborées, dans le cadre de la labellisation ACS prévue dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, rappelle-t-on.

Encadrement des tarifs d’optique pour les bénéficiaires de l’ACS. Un amendement du gouvernement prévoit d’étendre aux bénéficiaires de l’ACS le dispositif d’encadrement de ces tarifs, actuellement réservé aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire. Il propose ainsi de confier aux partenaires conventionnels le soin de fixer les tarifs maxima applicables, « le pouvoir réglementaire n’intervenant qu’en cas de carence », selon l’exposé des motifs.