La plainte déposée à la mi-décembre par une jeune femme victime d’un accident vasculaire cérébral imputé au Méliane® (Bayer), met au jour le subterfuge des pilules dites « de 3e génération ». Pour Laure Lechertier, en charge du médicament à la Mutualité Française, ce terme relève plus du marketing que de l’innovation thérapeutique.
Pourquoi laisser sur le marché des pilules contraceptives de 3e génération et plus si, à efficacité égale, elles ont des effets indésirables plus importants ? Pourquoi les médecins ont-ils continué à les prescrire massivement alors qu’ils connaissaient les risques ? Quel rôle a joué l’industrie pharmaceutique dans cette nouvelle affaire sanitaire ?
Chaque jour la polémique sur les pilules ne cesse d’enfler, après la plainte déposée le 14 décembre par une jeune femme victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) imputée à la prise de Méliane® (Bayer), une pilule de 3e génération.
Nos autorités sanitaires étaient pourtant alertées de longue date sur ce risque accru des pilules de 3e génération. La Haute Autorité de santé (HAS) signalait déjà en 2002 un risque « plus important » de thrombose veineuse (caillots de sang) avec les pilules de 3e génération et plus.
Une astucieuse stratégie marketing
Dans ses conseils de bonnes pratiques, la HAS demandait aux médecins de prescrire des pilules de « 1ère et 2e générations en première intention ». Mais sous la pression des laboratoires pharmaceutiques, les médecins n’ont pas respecté ces recommandations de bonnes pratiques.
« Le terme de 3e génération est une brillante stratégie marketing des labos », estime Laure Lechertier, responsable du département Politique des produits de santé à la Mutualité Française. »Il laisse à penser que ces pilules sont moins dosées et donc mieux tolérées que celles de seconde génération. » Et c’est notamment sous l’influence des visiteurs médicaux que les médecins vont alors prescrire massivement ces pilules en première intention.
Les propositions de la Mutualité Française
Selon le progestatif utilisé – une des deux hormones contenues dans une pilule – la plupart des contraceptifs oraux ont été divisés en trois classes ou générations. C’est « cette appellation qui laisse entendre que les plus récentes sont préférables aux précédentes sans que ce soit avéré », précise la Haute Autorité de santé dans un avis de novembre 2012 pour lever la confusion chez les professionnels de santé.
Suite à l’affaire du Médiator®, la Mutualité Française a élaboré des recommandations pour restaurer la confiance vis-à-vis du médicament. Elle réclame notamment que « l’autorisation de mise sur la marché (AMM) des médicaments soit comparative et basée sur le progrès thérapeutique ». Dans le cas des pilules de 3e génération et plus, si la décision d’AMM avait pris en compte ce critère, elle « n’aurait donc pas dû être attribuée car elles n’apportent pas de bénéfices supplémentaires par rapport aux pilules de générations antérieures et un surrisque thromboembolique », précise Laure Lechertier.
Panique du côté des autorités sanitaires
Suite à la plainte de la jeune fille victime d’un AVC, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’est décidée le 21 décembre à adresser un courrier aux médecins. Sous la signature du Pr Dominique Maraninchi, son directeur général, elle rappelle aux prescripteurs que « ces contraceptifs oraux de 3e génération exposent les femmes à un risque de thrombose veineuse deux fois plus élevé que les pilules de 1e et 2e générations ».
Ce risque vasculaire (phlébites, embolies pulmonaires…) est grave mais est « rare », souligne l’ANSM : il est de l’ordre de « 4 cas pour 10.000 avec les pilules de 3e génération », contre 2 pour 10.000 avec les autres. En 2012, il est estimé à 1.000 cas par an chez les 2,5 millions de femmes prenant des pilules de 3e génération et plus, contre 500 pour les 2e générations.
Pourquoi ne pas les retirer du marché ?
De son côté, le ministère de la Santé a annoncé dans un communiqué du 3 janvier le déremboursement anticipé « des pilules contraceptives de 3e génération dès le 31 mars ». Au départ, il devait intervenir en septembre 2013, suite à l’avis de novembre de la Haute Autorité de santé.
Pour le moment, l’ANSM se contente de rappeler les bonnes pratiques aux professionnels de santé. L’agence ne veut pas suspendre du marché ces pilules de 3e génération « pour ne pas en priver les femmes qui peuvent en bénéficier en deuxième intention », a déclaré le 5 janvier le Pr Maraninchi au journal Le Monde. Elle redoute également une épidémie « de grossesses non désirées et d’IVG », en cas de suspension brutale.
Ghislaine Trabacchi