Santé : l’intelligence artificielle au cœur du débat

Lors de la soirée du 10 juin 2024, la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine organisait une table ronde intitulée « L’intelligence artificielle en santé, une réelle avancée ? », à la Grande Poste de Bordeaux. (Re)vivez les moments forts de cette soirée !

Le 10 juin dernier, la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine organisait un temps d’échanges sur l’intelligence artificielle en santé avec un grand témoin : Cédric Villani, mathématicien et homme politique français. Plus d’une centaine de personnes étaient présentes.

« La recherche en France en matière d'intelligence artificielle est à un haut niveau sur le plan international. Yann Le Cunn est le chercheur le plus connu au monde. Il est breton. »

Cédric Villani

C’est quoi l’intelligence artificielle ?

On l’entend partout : l’intelligence artificielle, l’IA, révolutionne le secteur de la santé. Mais, d’abord, c’est quoi l’intelligence artificielle ? Grand témoin de la soirée, Cédric Villani, mathématicien, est l’auteur du rapport ministériel « Donner du sens à l’intelligence artificielle » paru en 2018. Il lance : « L’IA est une expression qui n’a pas vraiment de sens. Il vaudrait mieux parler d’informatique perfectionnée ». Il explique : « L’ambition originelle était de créer des processus cognitifs comparables à ceux de l’être humain. Mais, dans la plupart des cas, aujourd’hui, quand on parle d’IA, c’est dans un but bien plus modeste. Celui de réaliser des procédures, des programmes informatiques qui effectuent des tâches qu’on aurait pu croire réservées aux humains. L’une des grandes leçons, c’est que l’on peut faire une multitude de tâches subtiles sans une once d’intelligence ». Et de compléter : « La santé est le domaine dans lequel l’IA a progressé le plus vite. Bien plus vite qu’on ne le pensait. Mais parmi les trois modes opératoires de l’IA, c’est de loin l’intelligence statistique qui est la plus importante en médecine ».

Les usages en santé

Qu’il s’agisse de diagnostiquer, de soigner, de prévenir ou de prédire, la santé est, de fait, l’un des domaines majeurs d’application de l’IA. Alexis Thomas est directeur par intérim du CHU de Bordeaux. Il confirme : « Au CHU, nous utilisons beaucoup l’IA pour le soin, pour la recherche et pour l’enseignement. L’IA facilite la détection d’une fracture sur une radio. Elle permet au neurochirurgien d’identifier avec une très grande précision la zone sur laquelle il doit intervenir pour faire cesser ou atténuer les troubles d’un patient atteint de la maladie de Parkinson. Elle sert aussi à prédire le risque de rechute d’un cancer. Les soignants et les étudiants s’exercent également sur une plateforme de simulation qui utilise l’IA ». Sylvie Cottin est directrice déléguée à la transformation numérique du système de santé à l’Agence régionale de santé. Elle rappelle le rôle de l’ARS :  trouver des solutions aux priorités de santé publique. « C’est la raison pour laquelle l’ARS soutient l’IA pour le dépistage du cancer du sein, explique-t-elle. L’IA est employée pour assurer une double lecture des mammographies, dans un contexte de pénurie de radiologues ». Directrice de la relation client au sein de la CPAM de Pau et de Bayonne, Dounia El Guasmi revient, quant à elle, sur les raisons de la création d’un club et de cafés de l’IA au sein des deux structures. « Nous savions que, dans de nombreuses entreprises, les salariés utilisent l’IA sans en parler à leur employeur. Nous avons fait le choix d’accompagner nos collaborateurs. Ensemble, nous avons identifié 75 cas d’usage de l’IA générative pour nos métiers et avons rédigé une charte éthique. Chaque utilisateur de l’IA doit la signer. Nous sommes extrêmement vigilants et questionnons toujours les réponses générées par l’IA ».

L’IA prend le pouvoir ?

 « Sur un certain nombre de tâches, les algorithmes produisent des résultats bien plus fiables, en moyenne, que ceux des humains. C’est un fait incontestable » déclare Cédric Villani. Il ajoute : « De même, on a réalisé des tests sur l’impact de l’IA sur la relation avec le patient. Dans tous les tests, les réponses apportées par l’IA étaient statistiquement plus rassurantes que celles apportées par le soignant ». Pour autant, tous sont unanimes : l’IA ne remplacera pas le professionnel de santé. « Si on peut se réjouir du fait que l’IA accélère les diagnostics, qu’elle libère du temps médical, intervient Patrick Charpentier, président de France Asso Santé Nouvelle-Aquitaine, l’IA ne se substitue pas aux professionnels de santé. Elle intervient en complémentarité ». Et Cédric Villani d’ajouter : « Par définition, un système de santé, c’est un ensemble d’humains qui prennent sur eux la responsabilité, l’effort de soigner leurs semblables, en se faisant aider ou accompagner de n’importe quels outils ».

La garantie humaine

L’utilisation de l’IA en santé permet des avancées majeures.  Pour autant, elle comporte de nombreux risques. D’abord, celui de commettre des erreurs. Mais pas seulement. En effet, pour fonctionner, l’IA se nourrit d’algorithmes et, donc, de données de santé. « D’une certaine manière, les citoyens sont déjà convaincus concernant l’IA, mais on observe des réticences sur le partage des données de santé » explique David Gruson, fondateur d’Ethik-IA. De fait, la fuite possible d’informations à caractère sensible, la marchandisation, l’utilisation malveillante de ces données ou encore le manque de transparence, occasionnent des réticences. Cédric Villani est ferme : « Avant même le développement de l’IA, la priorité, c’est la cybersécurité ». De même, lorsque l’introduction de l’IA en santé se matérialise par le développement d’outils d’aide au diagnostic ou à la décision thérapeutique, cela n’est pas sans poser une multiplicité de questions à la fois éthiques, sociales ou juridiques. David Gruson intervient : « C’est pour toutes ces raisons que nous prônons une supervision de l’IA par l’humain. Il faut des points de contrôle effectués par des professionnels de santé, les citoyens et les concepteurs d’innovation, en amont et en aval de l’algorithme, pour s’assurer que l’IA reste efficace et éthique dans son mode de fonctionnement et dans ses décisions ». Et d’ajouter : « C’est le principe de la garantie humaine ». Bonne nouvelle, la loi bioéthique ainsi que le règlement européen sur l’IA (l’AI Act) ont intégré cette notion de Garantie Humaine. Pour David Gruson, ce règlement européen, qui entrera en vigueur en 2025, présente un bon équilibre entre le soutien à l’innovation et la régulation des enjeux éthiques.

Le mouvement mutualiste soutient le développement de l'intelligence artificielle en santé

Créé en 2020 par la Mutualité Française, le fonds mutualiste Mutuelles Impact soutient le développement d’entreprises qui concilient efficacité économique et intérêt général dans le secteur de la prévention, du parcours de soins et du médico-social. En partenariat avec la MGEN, première mutuelle de la fonction publique, et Investir&+, Mutuelles Impact s’est engagé à soutenir l’accélération d’Ethik-IA pour promouvoir une intelligence artificielle de confiance. L’objectif de ce partenariat : faciliter la diffusion des programmes de Garantie Humaines de l’IA. Permettre également le développement opérationnel de ces dispositifs dans le domaine de la santé et du mutualisme, dans un cadre de confiance et de souveraineté numérique.

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Focus sur la santé numérique

Le Lab “Place de la Santé” de la Mutualité Française est une initiative qui enrichit la réflexion sur les grandes questions de protection sociale et de santé, en partenariat avec des think tanks tels que Terra Nova, la Fondation pour l’Innovation politique, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne.

Articles en ligne à consulter : 
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