Les médicaments contenant du dextropropoxyphène, comme le Di-Antalvic® et le Propofan®, ont été retirés du marché le 1er mars. Cette décision a été prise suite à la réévaluation défavorable de ces antidouleurs par l’Agence européenne du médicament et à la publication de nouvelles données médicales. Explications.
Le Di-Antalvic®, le Propofan® et leurs génériques ont été retirés du marché français plus tôt que prévu, le 1er mars. Initialement, ces antidouleurs contenant du dextropropoxyphène auraient dû rester en vente jusqu’en septembre 2011. Ce délai devait notamment permettre de laisser le temps aux médecins et à leurs patients de modifier leur traitement. Mais le scandale du Mediator® est passé par là : la publication par les autorités sanitaires de la liste des médicaments surveillés a avancé l’échéance de plusieurs mois.
Mais pourquoi retirer ces antidouleurs, disponibles depuis 1964, et dont 80 millions de boîtes étaient vendues chaque année en France ? Tout commence en 2004, en Suède et au Royaume-Uni. Les autorités sanitaires de ces deux pays constatent un nombre important de décès liés à des intoxications volontaires. Les médicaments associant du paracétamol et du dextropropoxyphène sont à l’origine de 200 suicides par an en Suède et 300 à 400 au Royaume-Uni. Leur retrait a été décidé en 2005 dans ces pays.
Un risque inférieur en France
« En France, à cette époque, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a mené des enquêtes qui ont montré un nombre de décès inférieur aux pays anglo-saxons, se souvient Laure Lechertier, responsable du département politique du médicament à la Mutualité Française. On parle d’une soixantaine de décès par an pour cause d’intoxication volontaire. »
Plusieurs raisons expliquent cet écart, selon Laure Lechertier : « En France, les doses maximales étaient limitées à 600mg de dextropropoxyphène et à 8g de paracétamol par boîte, alors que ce produit était disponible en flacon dans les autres pays. » De fait, ces flacons contenaient beaucoup plus de gélules que les boîtes françaises. « Par ailleurs, ajoute Laure Lechertier, dans notre pays, ces médicaments nécessitent d’être prescrits par un médecin et sont utilisés en seconde intention, après les antidouleurs de pallier 1 comme le paracétamol, l’ibuprofène ou l’aspirine. »
Avis défavorable
Suite aux résultats de leurs enquêtes, les autorités sanitaires françaises ont jugé qu’il n’y avait pas lieu de retirer ces médicaments du marché. Seule la surveillance étroite a été maintenue, dans le cadre de la pharmacovigilance. C’est ce qui explique la présence du Di-Antalvic® et du Propofan® dans la liste des médicaments surveillés de l’Afssaps.
Cependant, « compte tenu de la différence de statut de ces médicaments au sein de l’Union, explique Laure Lechertier, l’Agence européenne du médicament (EMA) a décidé de procéder à leur réévaluation. » Le verdict est tombé en juin 2009 : avis défavorable à leur maintien sur le marché. Les nouvelles études menées par l’EMA n’ont pas permis d’établir que l’association dextropropoxyphène/paracétamol était plus efficace que le paracétamol seul ou la codéine dans le traitement de la douleur aiguë. Autre incrimination : la marge thérapeutique, c’est-à-dire la différence entre la dose thérapeutique et la dose toxique, est trop étroite pour garantir la sécurité des patients.
Une politique du médicament européenne
C’est à la suite de cet avis défavorable que la Commission européenne a demandé le retrait de ces médicaments à tous ces pays membres, dans un délai de 15 mois. « Ce cas montre que le médicament relève aujourd’hui d’une politique européenne, décrypte Laure Lechertier. Les décisions de mise sur le marché ou de retrait sont pour la plupart prises par l’Agence européenne du médicament. Elles s’imposent ensuite aux Etats-membres. »
« Cela soulève également la question de la réévaluation des médicaments, continue la docteure en pharmacie. C’est la raison pour laquelle la Mutualité Française prône une réévaluation des médicaments tous les cinq ans, basée sur des études rigoureuses, afin de s’assurer qu’un médicament est toujours efficace au regard des progrès scientifiques et de la sortie de nouveaux produits. »
Le maintien à la vente pendant près de 50 ans de ce médicament tient donc plus d’une mauvaise habitude que d’une réelle preuve de son efficacité. La réévaluation quinquennale de tous les médicaments figure notamment dans les dix propositions du plan médicament de la Mutualité Française, rendu public le 10 mars dernier.
Une nouvelle étude américaine
Tout ceci n’explique toujours pas pourquoi le sursis de 15 mois, accordé en juin 2010, a été subitement écourté. Cette décision de l’Afssaps a été motivée par la publication d’une étude des autorités sanitaires américaines (Food and Drug Administration), en novembre 2010. De nouvelles données ont mis en évidence un risque de modification de l’électrocardiogramme chez les personnes âgées. Ce risque se rencontre lorsque les patients consomment ces médicaments aux doses maximales recommandées en France. Verdict : lors de la présentation à la presse de sa liste des médicaments surveillés le 31 janvier, l’Afssaps a annoncé le retrait définitif du Di-Antalvic® et du Propofan® pour le 1er mars 2011, soit 7 mois avant l’échéance.
Philippe Rémond